dimanche 24 novembre 2013

etape 9 : le lac blanc - les houches

 vendredi 2 août 2013

7 h    + 700 m    - 2 000 m


  Le réveil à 6 h 30 aurait dû prendre un goût de nostalgie puisqu'il annonçait la dernière étape. Mais voilà, c'était sans compter sur le soleil déjà levé, balayant tout regret, inondant de lumière le lac qui se met à mirer la profondeur d'un ciel d'altitude, d'une pureté incroyable. Sous un début de chaleur, je me rase tant bien que mal dans les sanitaires en rez-de-chaussée, ouverts sur l'extérieur mais privés d'éclairage car il faut économiser l'électricité produite par un groupe électrogène. A 7 h, alors que tout le monde a fini ses ablutions, le groupe est mystérieusement démarré, jetant une lumière abondante dans des sanitaires désertés ainsi que dans la salle de restauration pourtant bien arrosée par le soleil ! Comprenne qui pourra... Hier soir déjà, je n'avais pas pu payer par carte en raison de la faible quantité d'électricité disponible (dixit une employée). Alors, deux remarques : 1- je ne comptais pas régler ma note entre 6 h et 7 h du matin ; 2- il doit bien exister des terminaux qui ne mettent pas à genoux les groupes lorsqu'on les utilise, hein ?
Enfin, on voit qu'on a quitté la Suisse et ça fait du bien de retrouver ses bonnes habitudes françaises. C'est étrange, j'avais ressenti la même chose en rentrant au pays après Compostelle bien que la raison en fut différente. Serait-ce une caractéristique nationale ?












  Heureusement, le paysage ne connait pas la mesquinerie des humains et se déploie largement, grandiose et somptueux. Petite série de photos du lac pour en fixer l'apaisante immobilité, puis, à 8 h, direction le Brévent. A ma gauche, toute la chaîne du Mont-Blanc, bleuie par le matin et raclée de blanc dévale et vient se casser au fond de la vallée avant de rebondir jusque sous mes pieds, toute verte, griffée de temps en temps par un éboulis ou des roches affleurantes.

  A un moment, un joli cairn se détache du chemin, découpant sa silhouette sur le fond blanc du Massif ; puis je franchis une sorte de longue muraille, évocatrice du mur d'Adrien, c'est un paravalanche. Plus loin, l'arrivée à Planpraz (2 000 m) m'offre un cadeau fantastique, un spot d'envol pour parapentiste. Le site est en lien direct avec Chamonix par des télécabines et sert de départ pour le téléphérique du Brévent. Entre l'animation de la gare, les vols incessants et les impératifs photographiques, je m'y attarderai une heure.

















  Puis une nouvelle ascension aux lacets bien sentis me mène jusqu'au col du Brévent (2 368 m). Le chemin bascule alors sur l'autre versant de la montagne, dévoilant depuis cette façade ouest une vaste dépression bordée tout au fond d'une ligne d'horizon crénelée. Radicalement différente des paysages précédents, la vallée de l'Arve se déploie pour aller se jeter, bien plus loin, dans le Rhône, juste en sortie du lac Léman.











  A midi, l'arrivée à la table d'orientation du Brévent (2 525 m) marque à la fois la pause déjeuner et la fin des hostilités, le dernier tronçon n'étant plus qu'une longue, longue descente. Aussi, je traîne un peu, d'autant que la chaleur serait presque accablante, qu'il n'y a pas d'ombre pour se protéger en avalant ses sandwiches et que la boucle sera bouclée dans trois heures. Reposé et rassasié, je prends congé de mes compagnons de Valence, retrouvés juste au col du Brévent puis je franchis à rebours toutes les strates de cette belle nature : la roche, puis l'alpage, puis les forêts de conifères et enfin des groupes de feuillus garnissant le fond de la vallée. A 16 h, aux Houches, rendu des bâtons loués au départ, dégustation d'une bonne bière bien méritée, coups de fil à la famille et direction le parking. Et devinez quoi ? J'y retrouve mes montagnards de Valence ! 

Quand je vous disais qu'il fallait aborder les randonnées avec confiance... que c'est magique !

FIN DU RECIT














 

jeudi 21 novembre 2013


etape 8 : trient - le lac blanc

  jeudi 1 août 2013

9 h 15    + 2 000 m    - 1 000 m


  Le beau temps semble bien installé maintenant et le départ à 7 h 30 se fait sous un ciel bleu pur et sans vent. Après une douce montée, le chemin profite de la discrétion d'un sous-bois pour s'élever très rapidement avant de resurgir, plus calme, dans les herbages qui conduisent jusqu'au col de la Balme (2 191 m), atteint à 9 h 45. Carrefour important, très fréquenté par les randonneurs, les vététistes et les promeneurs, point d'aboutissement de nombreuses remontées mécaniques, il jette le solitaire dans la foule avec la vision très urbanisée de la vallée où se casent les villages du Tour et de Montroc, précédents Argentières puis Chamonix pris dans une vaste conurbation. Le col est aussi sur la ligne frontalière et par enchantement mon téléphone sort de sa léthargie. J'en profite pour contacter le refuge du Lac Blanc car j'ai entendu hier soir parler de la beauté du site. Il reste une place (!) et elle sera pour moi. Toujours ce côté chance sur les chemins...












  C'est ensuite un long ruban qui se déroule dans les pâturages mis en valeur par une lumière de plus en plus frontale. L'éclairage souligne également le moindre relief du massif du Mont-Blanc, bien visible dans le lointain, avec tout à droite, en équilibre sur l'abîme, la gare terminale du périphérique de l'Aiguille du Midi. Puis, descente confortable jusqu'au col des Posettes (1 997 m) avant d'attraper un chemin plus rocailleux pour atteindre l'aiguillette des Posettes à 2 200 m et de poursuivre sur la ligne de crête, tranquille et sans risque, dominé vers l'est par la puissante image du glacier du Tour.


















  Soudain, on atteint le bout de l'arête. En-dessous, la vallée avec Tré-le-Champ qu'il faut rejoindre - que c'est raide ! et en face la vision d'un chemin couturé au point zig-zag, effrayant. Heureusement, le vrai tracé passe en balcon, plus bas à gauche, traverse un sous-bois, longe un beau terrain de jeu pour escaladeurs (présence d'une école d'escalade), effleure l'aiguillette d'Argentières, amuse avec quelques échelles et escaliers métalliques, bifurque à la Tête-aux-Vents (2 132 m), surplombe les lacs de Chéserys, rajoute par malice quelques échelles et s'arrête, essoufflé, au Lac Blanc. 















   A 2 352 m, le lieu est saisissant. Adossé au massif des Aiguilles Rouges, il dévisage la Mer de Glace surmontée des Grandes Jorasses.  Il doit son appellation au fait qu'il est gelé une grande partie de l'année (c'était encore le cas il y a quinze jours, à la mi-juillet). Présentement, véritable joyau émeraude, il peut encore revendiquer son nom avec la neige alentour, avec la glace immédiate, s'infiltrant sous la surface et, pourquoi pas, avec la robe blanche d'une mariée originaire des îles, si subjuguée naguère par la poésie des lieux, qu'elle choisit d'y revenir prendre ses photos de mariage.






































 Le gîte est à l'unisson du lieu, l’accueil est agréable, le dortoir se fait en petits compartiments de quatre lits. Très bon repas avec variante de menu au choix pris en compagnie du couple de Valence déjà vu en début de périple et d'une famille canadienne composée des parents et de trois jeunes adultes vraiment enchantés.

  J'ai eu raison d'adopter ce sens classique du circuit et de finir demain. J'avais hésité un temps, craignant d'être accompagné en permanence par trop de gens. Ce ne fut pas le cas, en partie du fait d'avoir débuté en milieu de semaine. Avant de rejoindre ma couchette, traînant face aux couleurs changeantes de la lumière déclinante sur le massif du Mont-Blanc, je repasse le fil de la journée, vécue comme une apothéose.  Le soir, dans une douce euphorie, je m'endormirai avec le sentiment d'avoir sans doute vécu la plus belle journée et la plus belle étape de ce Tour.