samedi 16 novembre 2013

etape 5 : chalet Bertone - refuge elena

 lundi 29 juillet 2013

7 h 30    + 700 m    - 600 m


  La météo devait être mauvaise... elle l'est ! Sous une petite pluie, le départ a lieu sans enthousiasme à 8 h 30. Dans la pochette étanche et transparente que je porte en sautoir, je n'ai pas mis la bonne page du guide, erreur qui me vaudra une journée très difficile et risquée.

  Le début du chemin, en balcon au-dessus du Val Ferret, est très agréable, se maintenant entre 1 900 m et 2 000 m. Ça et là, flottent des bancs de brume. Aussi je délaisse la variante par la Tête Bernada en constatant que tous les sommets sont noyés par les nuages. Vraiment aucune envie de me retrouver seul sur des crêtes étroites à 2 500 m sans visibilité.
















  Alors que je suis au-dessus de l'Arnuva à midi et que la pluie s'intensifie, je ne vois pas que le tracé tourne à gauche et je poursuis tout droit. Il faut dire que le marquage est peint au sol, forcément moins visible sous la pluie et le K-way (et que penser par brouillard ?), au lieu de se faire par un panneau traditionnel, inévitable. Et je m'engage sur le chemin de Belle Combe, bucolique au début mais devenant rapidement étroit et inquiétant. Taillé à flanc raide de la montagne, sécurisé en de nombreux endroits par un câble qu'il faut tenir pour passer, il disparaît même parfois, emporté par les éboulements. A ma gauche, 50 m en contre-bas, l'eau gronde sous le névé, apparaît sous des cassures et replonge en tourbillonnant. Ce n'est certes pas le moment de glisser et je m'interroge sur ce passage qui ne semble pas accessible à tous. Et je poursuis, de moins en moins rassuré, l’enchaînement des causes qui conduisent d'ordinaire à l'accident : je n'ai pas vu l'autre chemin, je ne veux pas vérifier le guide qui sera fichu si je le sors sous cette pluie, pluie saoulante qui me décourage de faire un demi-tour de 3/4 d'heure jusqu'au dernier point sûr alors que le refuge Elena devrait être en vue d'ici dix minutes - d'autant que je suis convaincu d'être sur le bon itinéraire puisque j'ai vu des marques rouges.







  Mais c'est à l’extrémité de la combe que je parviens. A 2 400 m, il n'y a plus de chemin. Je monte désespérément sur le talus herbeux à droite, toujours plus haut, en quête d'une suite... rien, il n'y a rien. C'était une fausse piste depuis le début, il y a une heure. Moment d'abattement, difficile... Il pleut toujours, j'ai faim, je suis fatigué (je marche depuis 5 h), je dois rebrousser chemin sur ces passages si dangereux et je prends soudain conscience que le péril commence déjà par la descente du talus pour rejoindre le sentier à travers une herbe longue et glissante. Tout en bas, sans aucune possibilité de se rattraper en cas de chute, la neige et les soubresauts du torrent. Avec d'infinies précautions, les deux bâtons en appui devant moi, je progresse pas à pas, courbé en avant, inquiet de finir en bas, sans secours possible (pas de téléphone), peut-être chahuté par les eaux ou coincé sous un névé.






 
  Une éternité plus tard, soulagé, je sors de ce traquenard et je retrouve ma route après l'avoir demandée à une personne rencontrée. La montée vers Pré de Bar s'effectue par un chemin horrible, glissant, traversé par des torrents qu'il faut franchir à gué. Presque à l'arrivée, surprise ! c'est un torrent tellement gonflé des eaux de ruissellement qu'il devient infranchissable sans se dévêtir ou sans être accompagné. Bien sûr, un papier glissé sous une pochette plastique indiquait au début de la montée que le chemin était dangereux mais il n'avait pas anticipé la montée des eaux le rendant impraticable. Plus tard, j'appris du gîte que le franchissement à cet endroit se fait par un pont déposé par hélicoptère chaque année, opération différée cette saison en raison des mauvaises conditions météo persistantes.

  De nouveau demi-tour pour rejoindre par une piste carrossable le gîte vers 16 h avec plus de trois heures de retard. Tout est trempé : moi, les papiers, les affaires dans le sac. Heureusement, le dortoir, les sanitaires et la restauration sont très bien. Pour parfaire cette journée maussade, je suis placé à table (on ne choisit pas) avec un couple de jeunes japonais et un étranger n'échangeant qu'en anglais. Ça me laisse du temps pour réfléchir, à ceci en particulier :
- importance de la météo sur la sécurité en montagne : petite dégradation, grosses conséquences possibles ;
- la solitude, facteur aggravant en cas de chute (même si on a un téléphone, le réseau n'est pas toujours disponible) et pas d'autre point de vue en cas d'erreur ;
- la faim : j'avais oublié de commander le pique-nique la veille donc rien à midi ;
- fruits sec et barres : épuisés, ce qui ajouté à la pluie me poussa à continuer pour arriver plus vite au lieu de rebrousser dans Belle Combe pour m'assurer du chemin.

  Et dire qu'au départ je n'avais pas voulu passer par la Tête Bernada pour éviter les risques ! Il fallait sans doute que je m'y confronte... Enfin, dans toute randonnée, il faut faire l'expérience du mauvais temps ; c'est fait. Demain, la météo sera riante, promis.

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